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Éléments de réponse au
« Communiqué scientifique sur l’utilisation des boues de papetières provenant des usines d’épuration comme fertilisant agricole »

Contexte

En juin 2003, plusieurs employés du ministère de l’Environnement (MENV) ainsi que d’autres intervenants de la fonction publique, du secteur privé et des médias ont reçu par courrier électronique un document anonyme intitulé :

Communiqué scientifique sur l’utilisation des boues de papetières provenant des usines d’épuration comme fertilisant agricole. Attention !!! Risques !!! Contamination-intoxication-virus-maladies-cancer  Question? Est-ce que les terres agricoles du Québec sont en voie de devenir le dépotoir de l’industrie papetière.

Selon le « communiqué » : « Cet avis est transmis par  la communauté technique et scientifique,  aux municipalités, aux M.R.C, à l’UPA et au MEQ. »

Étant donné la polémique que soulève ce « communiqué », le Ministère présente ici des éléments de réponse relativement aux allégations contenues dans l’information diffusée. Pour ce faire, chaque portion du message a été reprise intégralement (en italique gras), a été numérotée, puis a fait l’objet d’une analyse.

Pour une information plus détaillée, le lecteur est invité à consulter les références bibliographiques en fin de document ainsi que le site Internet du Ministère

Juillet 2003


  1. L’OMS, Organisation Mondiale de la Santé déclare dans le journal le Monde, édition du 08 mai 2003 que le virus du SRAS syndrome de la pneumonie atypique peut être transmis dans les boues par l’humain ou les animaux et se retrouvé dans les champs et causé une contamination. [SIC]

Réponse : L’article intégral du journal Le Monde peut être commandé à l’adresse suivante : [http://www.lemonde.fr/article/
0,5987,3226--319411-,00.html].

Le lecteur constatera qu’il n’est nullement fait mention de transmission de pathogènes par les boues municipales, et encore moins par les boues de papetières. L’article parle de matières fécales « fraîches » non traitées. Le « communiqué » induit donc le lecteur en erreur.

Selon l'article du journal Le Monde, qui fait référence à un communiqué de l'OMS, le coronavirus peut survivre jusqu'à 4 jours dans les selles et 2 jours dans l'urine. Il y a donc des risques de contamination fécale-orale durant cette période, notamment dans des édifices publics (poignées de portes, boutons d'ascenseurs). La voie de transmission la plus importante demeurerait cependant les éternuements (bioaérosols humains en quelque sorte).

  1. Saviez-vous que la communauté scientifique est d’avis, de même que l’Institut National de la Santé Publique, que les boues de papetières (les biosolides) utilisés en agriculture comme fertilisant peuvent causer de la contamination?

  1. Contamination par les virus pathogènes et bactéries

  2. Contamination des grains pour l’alimentation humaine et animale

  3. Contamination des aliments aux dioxines et furannes

  4. Contamination des sols aux métaux lourds

  5. Contamination du composte fabriquée à partir des boues et qui sont vendues en sacs sur le marché public par certains composteurs dans les régions. [SIC]

Réponse : Il est difficile de savoir à quoi l'expression « communauté scientifique » fait ici référence. Quant à l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), à notre connaissance il ne s’est pas prononcé sur les risques relatifs aux virus et aux pathogènes des boues de papetières. Il l’a fait seulement en ce qui concerne les risques relatifs aux métaux lourds et aux dioxines.

L’INSPQ a en effet mené un étude (Fouchécourt et Beausoleil, 2001[1]) portant sur les risques théoriques encourus par un individu (agriculteur) fortement exposé (IFE) aux boues sur une période de 100 ans. Il recommandait alors d’abaisser la teneur limite permise en cadmium et émettait des recommandations concernant les dioxines, les furannes et certains métaux.

Cependant, une consultation auprès des pairs a mis notamment en évidence les faits suivants :

  • a probabilité de l’existence d’un IFE tel qu’il a été modélisé dans l’étude de l’INSPQ serait de moins d’une personne sur 700 millions (Van Coïllie et Laquerre, 2003[2]); 

  • l’exposition au cadmium de l’IFE telle que calculée par l’INSPQ serait, dans le pire des cas, inférieure au barème de Santé Canada (Moreau, 2001[3]);

  • la teneur maximale des dioxines et des furannes dans le sol, telle que calculée par l’INSPQ, demeurerait inférieure au barème de qualité des sols agricoles du Conseil canadien des ministres de l’environnement (CCME, 2001[4]).

On pourra connaître la position du Ministère sur ce sujet en consultant le numéro de juillet de la revue Vecteur Environnement (Hébert, 2003[5]).


[1] FOUCHÉCOURT, M.-O. et M. BEAUSOLEIL, 2001. Évaluation des impacts à long terme de la valorisation agricole de matières résiduelles fertilisantes au Québec – mise en contexte et risques à la santé associés à l’apport de cadmium et de dioxines et furannes, rapport synthèse, Québec, Institut national de santé publique du Québec.

[2] Van Coïllie et Laquerre, 2003. « Critères de qualité et risques du cadmium et des dioxines et furannes chlorés des matières résiduelles au Québec », Vecteur Environnement, vol 36, no 1, janvier 2003, p. 22-32.

[3] Moreau, G., 2001. Mesures de gestion du risque liées aux MRF : Commentaires, Santé Canada, 2 p.

[4] CONSEIL CANADIEN DES MINISTRES DE L’ENVIRONNEMENT, 2001. Recommandations canadiennes pour la qualité des sols : Environnement et santé humaine – dioxines et furannes, le Conseil.

[5] HÉBERT, 2003. « Teneurs limites en cadmium et dioxines et furannes des MRF – position du MENV », Vecteur Environnement, vol. 36, no 4, p. 80-81.


  1. Partout au Québec, ils utilisent ces produits sans mentionner la provenance de la matière première, l’analyse chimique des contaminants et les risques potentiels qui y sont reliés. Le contrôle sur la teneur en contaminant n’est pas assez rigoureux. [SIC]

Réponse : Le Ministère procède à un contrôle indépendant de la qualité des boues (biosolides) et des autres matières résiduelles fertilisantes (MRF) épandues sur les sols. Les données les plus récentes (Hébert et autres, 2002[6]; Hébert et autres, 2003[7]) montrent que 100 % des MRF échantillonnées par le MENV respectent les teneurs limites en contaminants chimiques et en pathogènes du Ministère (ministère de l’Environnement, 2002[8]). L’échantillonnage portait majoritairement sur les biosolides (boues) de papetières (15 des 24 MRF échantillonnées) et provenait de presque toutes les régions administratives du Québec où il y a une valorisation importante de MRF.

Le contrôle de la qualité effectué par le Ministère met donc clairement en évidence le fait que les MRF épandues sur les sols respectent les critères de qualité dans la très grande majorité des cas.

Cela n’est toutefois pas le cas des épandages illégaux de boues de fosses septiques non stabilisées. Ces boues sont parfois mélangées dans les fosses à lisier, une pratique illégale qui pose des risques évidents. Les agriculteurs doivent donc s’assurer de ne valoriser que des MRF certifiées conformes par le Bureau de normalisation du Québec ou faisant l’objet d’un certificat d’autorisation émis par le Ministère.


[6] HÉBERT, M., V. RIOUX et É. GAGNON, 2002. « Contrôle de qualité indépendant des MRF par le MENV – partie 1 », Vecteur Environnement, vol. 35, no 5, septembre 2002, p. 33-37.

[7] HÉBERT, M., V. RIOUX et É. GAGNON, 2003. « Contrôle de qualité indépendant des MRF par le MENV – partie 2 : pathogènes et paramètres agronomiques », Vecteur Environnement, vol. 36, no 1, janvier 2003, p. 34-40.

[8] QUÉBEC. MINISTÈRE DE L’ENVIRONNEMENT, 2002. Critères provisoires pour la valorisation des matières résiduelles fertilisantes, édition de novembre 2002, Québec, le Ministère.


  1. La population utilisant ces aliments et celle vivant en milieu rural est susceptible d’être contaminée.

  • Taux élevé d’exposition au cadmium même après dilution;

  • Risque de cancer supérieur à 1 sur 1 million dus aux dioxines et furannes

  • Concentration en arsenic trop élevée dans les boues de classe C2;

  • Problème écotoxicologique pour le chrome, plomb, le cuivre, le zinc etc.… [SIC]

Réponse : Dans le pire des scénarios proposés par l’INSPQ, l’exposition au cadmium d’un agriculteur fortement exposé aux MRF ne dépassait pas les barèmes de Santé Canada après 100 ans d’exposition. Ainsi, les autres individus, qui sont moins exposés, ne sont pas susceptibles de dépasser ce barème.

Pour ce qui est des dioxines et des furannes, le risque modélisé par l’INSPQ s’applique uniquement à un agriculteur fortement exposé. Or, la probabilité que cet individu existe est de moins d’une chance sur 700 millions (Van Coïllie et Laquerre, 2003[9]). On ne peut donc transposer ce risque aux autres agriculteurs, et encore moins à la population en général. En fait, une analyse de risque réalisée récemment par l’Agence américaine de protection de l’environnement (USEPA, 2002[10]) recommande l’adoption de teneurs limites en dioxines et en furannes six fois moins strictes que les critères québécois actuels. (Voir également la réponse au point 2.)

Quant à l’arsenic et au plomb présents dans les MRF, les teneurs limites actuelles sont celles de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (1997), qui sont plus restrictives que celles de l’Ontario (OMOEE et OMAFRA, 1996[11]).

Pour le cuivre, le chrome et le zinc, l’INSPQ (Fouchécourt et Beausoleil, 2001[12]) met en évidence le fait qu’il n’y aurait pas de risque pour la santé humaine, même dans les pires scénarios. Pour ce qui est des risques écotoxicologiques (faune, flore, microflore) possibles à long terme relativement au sol, le pire scénario d’épandage prévu s’avère improbable. Plusieurs fumiers et lisiers ont d’ailleurs des teneurs en cuivre supérieures aux teneurs limites permises pour les MRF.


[9] Van Coïllie et Laquerre, 2003. « Critères de qualité et risques du cadmium et des dioxines et furannes chlorés des matières résiduelles au Québec », Vecteur Environnement, vol 36, no 1, janvier 2003, p. 22-32.

[10] UNITED STATES ENVIRONMENTAL PROTECTION AGENCY, 2002. Standards for the Use or Disposal of Sewage Sludge: Notice, U.S. Federal Register, 12 juin 2002, p. 40554-40576.

[11] ONTARIO. Ministry of Environment and Energy et Ministry of Agriculture, Food and Rural Affairs, 1996. Guidelines for the Utilisation of Biosolids and Other Wastes on Agricultural Land, les ministères.

[12] Fouchécourt, M.-O. et M. Beausoleil, 2001. Évaluation des impacts à long terme de la valorisation agricole de matières résiduelles fertilisantes au Québec – mise en contexte et risques à la santé associés à l’apport de cadmium et de dioxines et furannes, rapport synthèse, Québec, Institut national de santé publique du Québec.


  1. Les papetières affirment dans l’ensemble qu’aucun égout domestique n’est déversé dans le système de traitement des eaux usées. FAUX. Qu’en est t-il vraiment? On note une carence majeure dans le contrôle de la qualité des biosolides de papetières.Les tests se font en moyenne 4 fois par année.Que se passe t-il donc entre deux contrôles consécutifs? Tout peut arriver en 90 jours. Comment et par qui les échantillons sont-ils prélevés? [SIC]

Réponse : Selon le « communiqué », les déclarations des papetières sont fausses, mais aucun fait précis ne soutient cette affirmation.

Dans certaines vieilles usines, il se peut que l’emplacement des tuyaux d’égouts soit inconnu et qu’une certaine quantité d’eaux usées sanitaires se trouve effectivement mêlée aux eaux usées industrielles. C’est pourquoi le Ministère exige le respect de teneurs limites en bactéries E. coli et en salmonelles. Si les biosolides ne respectent pas ces teneurs, cela indique une contamination possible par des matières fécales (voir Beauchamp et autres, 2003[13]). Par mesure de prudence, ces biosolides sont toutefois considérés comme de catégorie P2 (au lieu de P1) et ne peuvent être épandus sur les cultures destinées à l’alimentation humaine.

Le contrôle de la qualité indépendant mentionné au point 3 a démontré que, sur les 14 échantillons de boues de papetières prélevés par le Ministère en 2000 et en 2001, trois dépassaient le critère P1, alors que le promoteur déclarait une catégorie P1 sans restriction d’usage. Un seul de ces trois biosolides contenait des salmonelles; la direction régionale concernée l’a alors reclassé dans la catégorie P2. Les deux autres biosolides ne contenaient pas de salmonelles et les dépassements relatifs à la teneur limite en bactéries E. coli, qui étaient faibles, n’étaient vraisemblablement pas significatifs sur le plan statistique. Les teneurs étaient de beaucoup inférieures à ce que l’on trouve dans le fumier de bovin et le lisier de porc.

Ainsi, le Ministère contre-vérifie les données d’analyse des promoteurs pour s’assurer de l’innocuité des biosolides papetiers. Si un biosolide ne respecte pas les exigences imposées, il est reclassé ou fait l’objet d’une interdiction d’épandage.

Un récent sondage mené auprès des agriculteurs qui utilisent des MRF (Groeneveld et Hébert, à paraître[14]) montre que seulement 4 % des agriculteurs font l’épandage de MRF de catégorie P2 ou P3 sur des cultures destinées à l’alimentation humaine.


[13] Beauchamp, C. J., A.-M. Simao-Beaunoir, C. Beaulieu et F.-P. Chalifour, 2003. « Coliform Bacteria in Paper Sludges: Where Are They Coming From? », dans Proceedings of the 2nd Canadian Organic Residuals Recycling Conference, Penticton (C.-B.), 24-25 avril 2003.

[14] Groeneveld, E. et M. Hébert, 2003. MRF : Contrôle du respect des critères d’utilisation par les agriculteurs. À paraître.


  1. Selon la réglementation du MEQ sur la gestion des sols contaminés, la dilution des contaminants est interdite. Un sol contaminé de classe C doit être stabilisé et puis confiné selon les règles. Or qu’en est t-il avec les boues en agriculture? La dilution est-elle permise ?La matière première peut être saturée en contaminants au-delà des seuils permis, mais après dilution avec d’autres résidus, elle se retrouve sur nos terres agricoles ou dans nos potager domestique. À qui dans ce cas là incombe la tâche d’assurer ce contrôle? [SIC]

Réponse : La Politique de protection des sols et de réhabilitation des terrains contaminés (ministère de l’Environnement, 1998[15]) fait référence au mélange de deux sols différents.

Les matières résiduelles fertilisantes, qui s’apparentent davantage aux engrais minéraux et aux fumiers qu’aux sols, sont valorisées conformément aux orientations de la Politique québécoise de gestion des matières résiduelles 1998-2008 du gouvernement du Québec (2000). La Politique implique notamment le développement du compostage et de la valorisation agricole des MRF. Les critères de qualité ont pour leur part été établis en tenant compte des résultats de recherches, des meilleures technologies disponibles et d’analyses de risque (ministère de l’Environnement, 2002[16]). La sécurité et l’innocuité sont impératives dans cette approche. Les teneurs limites déterminées en matière de contaminants chimiques sont d’ailleurs parmi les plus rigoureuses au monde (Désilets, 2003[17]).

Cette rigueur a pour effet de contrecarrer une éventuelle « dilution » des MRF avec des matières qui seraient très contaminées; une telle dilution aurait pour effet de déclasser les résidus et de les rendre non valorisables, entraînant une perte économique pour l’individu ou l’entreprise responsable, qui serait obligé de les éliminer dans des lieux d’enfouissement sanitaire.


[15] QUÉBEC. MINISTÈRE DE L’ENVIRONNEMENT, 1998. Politique de protection des sols et de réhabilitation des terrains contaminés, Québec, Les publications du Québec.

[16] QUÉBEC. MINISTÈRE DE L’ENVIRONNEMENT, 2002. Critères provisoires pour la valorisation des matières résiduelles fertilisantes, édition de novembre 2002, Québec, le Ministère.

[17] Désilets, L, 2003. « Qu’advient-il des boues de traitement des papetières? », Vecteur Environnement, vol. 36, no 1, janvier 2003, p. 47-53.


  1. Quelle est la position de l’UPA? Pourquoi les agriculteurs acceptent t-ils de diluer les contaminants alors que partout dans le monde les lois environnementales portent un jugement criminel sur cette pratique? [SIC]

Réponse : Le « communiqué » mentionne qu’ailleurs dans le monde certaines pratiques sont considérées comme criminelles, mais il ne précise ni les pays ni le contexte particulier qui entoure ces pratiques.

Rappelons que la valorisation des boues et autres MRF est une pratique généralisée dans le monde et que les critères québécois de qualité des boues sont très strictes (Désilets, 2003[18]; Van Coïllie et Laquerre, 2003[19]). Même les fumiers qui font l’objet de traitements en usine ou à la ferme satisferaient difficilement ces critères (teneurs limites relatives aux bactéries E. coli, aux salmonelles et au cuivre).


[18] DÉSILETS, L, 2003. « Qu’advient-il des boues de traitement des papetières? », Vecteur Environnement, vol. 36, no 1, janvier 2003, p. 47-53.

[19] VAN COÏLLIE et LAQUERRE, 2003. « Critères de qualité et risques du cadmium et des dioxines et furannes chlorés des matières résiduelles au Québec », Vecteur Environnement, vol 36, no 1, janvier 2003, p. 22-32.


  1. Tandis qu’en Europe, le 1 mai 2003, le gouvernement fédéral suisse interdit l’utilisation des biosolides comme fertilisant agricole et en recommande l’incinération contrôlée, on continue au Canada à épandre les boues sur les terres agricoles au risque d’hypothéquer notre patrimoine et notre santé pour de longues années. Actuellement plusieurs composteurs du Québec, des agronomes et firmes d’agronomes utilisent des biosolides de papetières dans la fabrication de composte ou en épandages directs sur les fermes agricoles sans réel contrôle. [SIC]

Réponse : Un rapport produit pour la Direction générale de l’environnement de la Commission européenne (2001) a mis en évidence le fait que la valorisation agricole des boues municipales est la filière la plus avantageuse sur les plans environnemental et économique, comparativement à l’enfouissement ou à l’incinération. Ce rapport peut être consulté à l’adresse Internet suivante : [http://europa.eu.int/comm/environment/waste/sludge/
synthesisreport020222.pdf].

La position de la Suisse, qui ne fait pas partie de la Communauté européenne, semble donc une conséquence de la « perception du risque » par la population plutôt que l’effet d’un risque réel.

  1. Alors qu’on se vante au Québec d’avoir les normes les plus strictes concernant la teneur en contaminants dans les boues, l’absence de politique de contrôle efficace peut mettre en échec cette tendance. [SIC]

Réponse : Les réponses aux points 3 et 5 montrent que le Ministère effectue un contrôle de qualité indépendant pour les MRF dont l’activité de valorisation s’appuie sur un certificat d’autorisation. D’autres MRF sont certifiées conformes par le Bureau de normalisation du Québec (BNQ) – plus de 135 000 tonnes/an –, ce qui implique un contrôle indépendant de la qualité par le BNQ, aux frais des individus ou entreprises responsables.

  1. Le principe de précaution énonce qu’en cas de doute, il vaut mieux s’abstenir. Le futur nous réservera bien des surprises si dans le présent nous nous défilons devant nos responsabilités. [SIC]

Réponse : Selon André Beauchamp (2001[20]), commissaire au Bureau d’audiences publiques sur l’environnement :

« Si nous voulons que le principe de précaution veuille dire quelque chose, il est important de ne pas chercher trop vite à l'appliquer partout, mais d'en restreindre l'usage aux :

  • risques graves ou irréversibles;

  • situations de forte plausibilité scientifique, même si la certitude absolue n'a pas été atteinte (présomption suffisante);

  • mesures de protection effectives, au sens de rentables (cost-effective), ce qui suppose une pondération des bénéfices et des inconvénients dans chaque cas.

Le facteur déterminant est le facteur herméneutique, à savoir une forte présomption de la réalité de l'effet, mais une incapacité d'en faire la démonstration stricte. »

Dans ce contexte, le principe de précaution ne trouve vraisemblablement pas d’application, car la connaissance scientifique dans le domaine abonde et tend à indiquer l’innocuité de la valorisation agricole des MRF. Au terme d’une évaluation globale de la littérature scientifique, la National Academy of Science des États-Unis (NAS, 2002[21]) a émis la position suivante concernant la réglementation sur la valorisation des boues municipales aux États-Unis :

« There is no documented scientific evidence that Part 503 rule has failed to protect public health. »

C’est également le constat qu’ont fait divers chercheurs du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation, du ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire du Canada et de l’Université Laval en ce qui concerne la qualité des sols et des cultures suivant l’usage de biosolides papetiers.

Très récemment, des tests de toxicité ont été réalisés en laboratoire sur 25 MRF et une dizaine de fumiers et de lisiers (Chassé et Hébert, 2003[22]). Les résultats ont indiqué que les MRF étudiées ne présentaient pas plus de toxicité que les engrais de ferme (biotests d’orge, de micro-organismes et de vers de terre).


[20] BEAUCHAMP, A., 2001. « Le principe de précaution : un titre à la hausse? », dans Colloque sur la gestion des risques chimiques, Saint-Hyacinthe, 7 novembre 2001.

[21] National Academy of Sciences, 2002. Biosolids Applied to Land: Advancing Standard and Practices, Washington (DC), National Academy Press, 266 p.

[22] Chassé, S., M. Hébert et S. Delbaen, 2003. « Toxicological Characterisation of Fertilizing Residuals for the Development of Quality Criteria », dans Proceedings of the 2nd Canadian Organic Residuals Recycling Conference, Penticton (C.-B.), 24-25 avril 2003.


  1. Assurances environnementales : L’ensemble des intervenants n’ont aucune assurance environnementale pour protéger la population, les municipalités et l’entreprise qui fabrique ces biosolides. [SIC]

Réponse : L’expérience allemande est particulièrement éclairante au sujet des assurances environnementales. Un fonds a été créé dans les années 90 dans le but d’indemniser les agriculteurs pour des dommages causés par l’épandage de biosolides municipaux. Or, après huit ans d’épandage, aucune indemnité n’a été versée pour des « contaminants inconnus » ou des dommages imprévisibles parmi les 900 agriculteurs participants. L’utilité d’un tel fonds n’a donc pas été démontrée.

  1. Le gouvernement, les villes, les M.R.C. et l’UPA doivent se prononcer pour un MORATOIRE sur l’utilisation des boues de papetières comme fertilisant agricole et comme matière première pour les compostes et exiger en plus des certificats d’autorisations, des assurances environnementales d’un minimum de 5 millions de dollars pour protéger le public. [SIC]

Réponse : Aucune activité humaine n’est exempte de risques. Il apparaît cependant que les risques liés à la valorisation des MRF au Québec sont relativement faibles lorsque celle-ci est effectuée conformément aux normes et aux critères du Ministère. Les principaux risques émanent des activités illégales, particulièrement de l’épandage des boues de fosses septiques sans autorisation. D’autres risques sont liés au non-respect des critères et des normes d’épandage ou d’entreposage dans certaines entreprises agricoles. Or, les assurances ne couvrent généralement pas le risque associé à des activités illégales. Heureusement, les données les plus récentes obtenues suivant des vérifications sur le terrain montrent une conformité généralement élevée par rapport aux normes et aux critères d’entreposage dans les fermes faisant l’objet de certificats d’autorisation du Ministère (Groeneveld et Hébert, à paraître[23]).


[23] Groeneveld, E. et M. Hébert, 2003. MRF : Contrôle du respect des critères d’utilisation par les agriculteurs. À paraître.


  1. Recommandations : Il est plus que temps d’agir, le nouveau gouvernement libéral, par la voix de son ministre de l’environnement M. Thomas Mulcair déclare que l'État québécois n’autorisera plus de projets et ne versera plus de fonds publics aux institutions et aux entreprises dont les activités pourraient s'avérer dommageables à l'environnement.Pour cela, il faudra se prémunir des outils et garanties suivants :

  • Surveillance et contrôle efficace par des firmes indépendantes

  • Obligation de se prémunir d’assurances environnementales

  • Établir le juste prix pour une gestion responsable. Une bonne gestion des matières résiduelle implique l’engagement des papetières à payer le juste prix pour cette gestion. À 4$ / tonne pour épandre les boues sur des terres agricoles, le choix d’une papetière devient évidant car il lui en coûte 40$ pour les enfouir dans un dépotoir. [SIC]

Réponse : Le Ministère développe actuellement un programme d’échantillonneurs indépendants de MRF. L’objectif est de faire en sorte que le contrôle indépendant de la qualité des MRF, actuellement assuré par le Ministère, soit éventuellement effectué par les laboratoires du secteur privé aux frais des individus ou entreprises concernés. Ce programme devrait être en vigueur en 2004 et s’appliquera aux biosolides de papetières.

La question des assurances environnementales a été discutée aux points 11 et 12.

En ce qui concerne le juste prix, les agriculteurs paient actuellement entre 5 et 50 $/tonne pour acheter des MRF certifiées conformes par le BNQ. Cela va dans le sens du principe de « valorisation », selon lequel on attribue réellement une valeur à la MRF. Quant aux biosolides papetiers, ils sont parfois vendus aux agriculteurs, mais, en général, ils sont donnés. À l’inverse, si un agriculteur devait être payé pour recevoir une MRF, cela pourrait laisser supposer que le résidu n’a pas suffisamment de valeur en soi pour être utilisé, ce qui irait à l’encontre du principe même de la valorisation.


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